Fatigué

Glaïrsan arriva devant la porte blanche avec un air "un peu endormi". Il avait passé la nuit dehors après s'être rendu compte qu'il n'avait plus d'argent: sa bourse était trouée.
Le garçon était donc là, planté comme un piquet devant la porte blanche. Au moins il savait par où entrer maintenant et plus vite il serait entré plus vite il pourrait se rendormir!
D'un pas décidé, l'adolescent s'avança vers la porte lorsque qu'un vieil homme qui à cheval sur une mule le dépassa pour s'arrêter devant lui.

"- Hep! Où vas-tu, bastard?"

Bastard? C'était pas une insulte? Glaïrsan essaya de prendre un air un peu plus digne en s'adressant au vieil homme:

"- Et bien... Dans cette ville, noble vieillard."

Le vieux fit non de la tête et, à l'air intrigué du gamin, s'expliqua.

"- Toi tu dois rentrer par la porte noire. C'est comme ça."

Puis il talonna sa monture et s'en alla vers l'intérieur.
L'enfant, perplexe, resta planté là un instant avant de se rendre compte qu'il ne fesait rien. Prendre la porte noire? Ah non! Il avait décidé qu'il prendrait la porte blanche, il allait prendre la porte blanche!
Et puis ça ne pouvait pas lui faire grand mal...
Il se décida enfin à faire un courageux pas mais à peine avait-il levé la patte qu'il se fit bousculer violement par une "chose". Sous le choc, il tomba sur les genoux.
Il grogna un instant. Il allait devoir se lever... La flemme... Et si il en profitait pour manger un peu? Rien à manger. Il fallait donc se lever.
Soudainement il senti une présence dans son dos....

Quatorze. Quatorze jours de marche exactement. C'était le temps qu'il avait fallu à Ismaël pour arriver ici. Il regrettait déjà d'être venu, avant même d'avoir pénétré dans la cité. Mais qu'est ce qui lui était passé par la tête ? Il aimait la solitude, la liberté, et il avait enfin eu la possibilité de partir de ce maudit village. On avait mis plusieurs jours à la convaincre, et le garçon était finalement parti.
Mais pourquoi s'était-il dirigé vers Zareha ? Il l'avait sa liberté, pourquoi s'empêchait-il de quitter ces sentiers creusés par les nombreux passages de commerçants ? Seule sa conscience l'avait retenu. Il n'avait même pas juré d'y aller. Il avait simplement hoché la tête...
L'adolescent fronça imperceptiblement les sourcils. Son visage ne montrait qu'impassibilité et mystère, comme d'habitude. Seuls ses yeux cette fois entre le doré et le vert trahissaient sa réflexion. En effet, il était plongé dans ses pensées, se demandant s'il allait faire demi-tour...
Il pouvait, il lui suffisait de tourner le dos à cette immense muraille, et à faire face à tous ces gens qui affluaient vers Zareha. Juste un mouvement...
Ismaël fut sortit de ses rêveries pas un vieillard qui ne s'adressait même pas à lui. Il se trouvait à un peu plus de dix mètres, et l'adolescent se demanda un instant comment il avait réussi à attirer son attention. Puis son regard profond se posa sur la personne à qui le vieil homme s'adressait.
Un garçon, qui semblait avoir son âge était là, debout et fier devant le cheval qui se tenait devant lui. Il répondit avec une dignité légèrement exagérée quelque chose qu'Ismaël ne comprit pas, puis le vieillard lui indiqua la porte noire un peu plus loin.
Ismaël avait suivi la petite discussion de loin, et ne voulait pas s'en mêler. Il s'apprêtait enfin à retourner sur ses pas, à faire demi-tour et à retrouver la liberté qu'il cherchait tant lorsque du coin de l'oeil il aperçu le même garçon tomber sur les genoux.
Déchiré entre curiosité féline et son envie de finalement partir, il choisit de se diriger vers le garçon. Il était maintenant à un bon mètre de lui, immobile et impassible, droit et au regard qu'on ne pouvait rater tellement il semblait étrange...

La présence était confirmée. Le gamin jeta un coup d'oeil dans son dos histoire de voir si cette présence était plus ou moins importante qu'elle n'en avait l'air.
Glaïrsan se releva d'un coup. Lui, endormi? Mais pas du tout voyons! Il se retourna pour voir l'Autre en face.
Il n'y avait pas d'erreur: ses yeux avaient vraiment une couleur étrange ce qui n'était pas sans déplaire à Glaïrsan qui n'avait pas l'habitude de ce genre de regard.
Le garçon en face de lui avait l'air plus grand que lui et un peu plus costaud aussi... Mieux valait éviter le combat sinon Glaïr' s'en prendrait plein la tête... Déjà qu'il n'était pas réveillé, si en plus il fallait qu'il se batte...
L'adolescent essaya alors de prendre un air sûr de lui avec avec les espèces de cernes qu'il avait sous les yeux c'était plutôt compliqué. Il serra alors son poings valide, juste pour se raccrocher à quelque chose...

"- Qui êtes-vous?"

Bon... Il aurait pu le tutoyer mais... Si il avait fait ça il aurait aussi modofier sa phrase pour "que me veux-tu?" ce qui pouvait avoir l'air un peu plus provocant.
Il espérait aussi que l'Autre savait parler français. En fait il espérait que l'Autre sache parler tout court. Parce qu'il n'avait pas l'air vraiment bavard et généralement c'est ceux qui ne disent rien qui pensent le plus...
Mais bon. Il ne fallait pas sur-estimer son adversaire... Adversaire? Pas encore. Mais il avait bien l'air d'en être un... Quoi que... Autant attendre la réponse avant de penser quoi que ce soit. Au fond il était sûrement très sympa...
Et qu'est-ce qui fesait penser à Glaïrsan que l'Autre n'était pas dans le genre "déjà mon pote"? Peut-être que...
Il y eu soudain un "tilt" dans l'esprit du gamin: l'aura de l'Autre! C'était ça qui lui semblait si hostile.... Mais est-ce qu'il avait raison? ET... Est-ce que les auras ont toujours raisons?
Ne rien penser... Attendre.... Ne pas le juger de suite...

Toujours immobile en face du garçon, Ismaël sondait son regard, tel un animal curieux de rencontrer quelque chose qu'il ne connaissait pas. Il remarqua qu'il semblait fatigué, mais qu'il tentait d'avoir l'air sûr de lui. Un peu comme en face du vieillard qui l'avait interpellé quelque minutes plus tôt. Enfin, aux yeux d'Ismaël.
Il aperçut du coin de l'oeil que l'adolescent s'était comme crispé avant de lui adresser la parole. C'était fou ce que les humains se sentent toujours obligés de parler. Cependant, Ismaël ne répondit pas tout de suite. Aucune expression ne traversait son visage impassible et mystérieux, on aurait pu le prendre pour une statue s'il n'y avait pas eu ces yeux brillant d'une lueur sauvage.
Ismaël remarqua que le garçon qui se trouvait en face de lui était étrangement différent des marchands qu'il avait pu croiser jusqu'à lors. Il ne parvenait pas à déterminer ce qui le faisait penser cela, et c'était assez désagréable. Comme si deux forces opposées se trouvaient face à face...
Un éclair passa dans le regard d'Ismaël. Il venait de comprendre. Le vieillard qui lui avait parlé de Zareha lui avait parlé de ces Forces...Mais qu'avait-il dit ? L'adolescent pesta contre lui-même de ne pas avoir été assez attentif. Il creusa sa mémoire, mais rien n'y faisait, il n'arrivait pas à se souvenir des paroles du vieux.
Résigné, il se souvint que le garçon lui avait posé une question. Qui il était...? Il ne le savait pas lui-même...Un nom faisait-il de lui quelqu'un ? Il était Ismaël...mais était-ce seulement ça ?N'importe qui aurait pu porter ce nom. Plusieurs fois depuis qu'il avait été amené dans ce village, à deux cent bons kilomètres d'ici, il s'était posé cette question. Jamais il n'avait su, ou pu, répondre. Cette question pourtant simple était la seule pour le moment qui le faisait tant réfléchir. D'un haussement d'épaule, il répondit :

« Je ne sais pas. »

La réponse paraissait certainement stupide, mais elle était vraie. Du moins à ses yeux.
Ismaël continua d'observer le garçon, se demandant ce qu'il allait faire désormais. Comme lui, il semblait vouloir entrer dans Zareha...et comme lui, il y avait une Force qui l'envahissait, le suivant partout et faisant partie de lui. Seulement, leur Force à tous deux semblait différente...et l'adolescent ressentait comme une certaine hostilité chez son interlocuteur.
Sans raison précise, il lui retourna la question :

« Et toi, qui es-tu ? »

Contrairement au garçon, il ne l'avait pas vouvoyé. Pourquoi ? Il ne savait pas. Il évitait de se poser trop de questions quant à ce qu'il faisait inconsciemment, car il savait qu'il en aurait toujours pour des heures avant de se comprendre.
Les deux garçons semblaient les seules personnes dans cette immense foule à rester immobiles. Des marchands entraient dans la cité le chariot rempli, d'autre en sortaient les bourses pleines, mais personne ne restait sur place. La situation attirait l'oeil de certains curieux, mais Ismaël n'y prêtait pas attention. Son regard à lui était plongé dans celui du garçon, sans le quitter.

[Tu es le Ether de la Citadelle des Dragons ???]

[Qu'est-ce qui te fait dire ça? ]

Déjà si il ne savait pas qui il était... Il aurait quand même pu se présenter, non? Par un nom, un grade, un n'importe quoi! Quelque chose qui s'écrit facilement!
Et généralement tout le monde se connaissait un peu. Sauf dans certains romans, mais là ce n'est pas un roman, c'est la vie! Si l'Autre n'a pas de nom, si l'autre cherche encore qui il est, comment pouvons-nous poser une étiquette autre que "personne" sur lui? Encore que Personne dès fois c'est quelqu'un de sympa...
Mais Glaïrsan n'avait jamais rencontré de Personne et le premier lui semblait assez étrange. C'était surtout ce regard... Comme si il voulait voir quelque chose d'invisible dans vos yeux. C'était assez déstabilisant.
Surtout qu'il ne semblait vivre que de ses yeux. Voyait-il un autre monde? Etait-il de ses gens qui voient des choses que les humains ne voient pas? Lui demander aurait été impoli et sans doute vexant pour Personne.
Personne qui le tutoyait. Glaïrsan devait-il l'imiter? Peut-être... Mais il avait toujours eu l'habitude de vouvoyer les plus grands que lui. Ses yeux noirs se plantèrent dans ceux de Autre pour lui prouver que lui aussi il voyait et que lui aussi il savait fixer.

"- Moi je suis Glaïrsan. Un presque-magicien".

Il avait essayé de prendre un air plus... Sympathique. Il espérait surtout que Personne ne lui poserait pas de question sur le mot "presque-magicien".
C'était ainsi que, mentalement, le gamin s'appelait. Pour lui, la force noire ressemblait à la magie noire -l'erreur grossière!- . Il ne la maîtrisait pas encore, mais il l'avait, c'était sûr. En revanche il avait complétement oublié la présence nécromancienne dans son bras...
Allez, il fallait changer de sujet... Si l'adolescent ne voulait pas que le sujet reste sur lui, mieux valait passer sur le sujet concernant Personne car c'était un sujet sans réponse:

"- Comment se fait-il que vous ne vous connaissiez pas vous-même?"

Il avait vraiment l'air naturel, mais le "vous" était trop voyant. Répété en plus.... Bah! Si ça gênait vraiment Personne d'être vouvoyé il le dirait!
Glaïrsan avait désserré le poing. Pourquoi? Peut-être parce que... Parce qu'il c'était soudainement rendu compte que ça ne lui servait à rien et que Personne l'avait remarqué. Bof... Personne remarquait tout, il avait l'Oeil du lynx.
Et l'Oeil multicolor aussi. La couleur ne semblait pas fixée... Le gamin en fut assez étonné et la question se réposa dans son esprit: qui était ce mec?
Ils étaient là, tout les deux, plantés comme deux piquets au milieu de la route. Soit les marchands les voyaient et les évitait en les regardant bizarrement, soit ils ne les voyaient pas et manquaient de les bousculer. Zareha était donc un endroit assez connu pour attirer les commerçants? Etrange...